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Samedi 24 Novembre
À travers la porte vitrée, je regarde ma fille jouer avec le chien d’Andrea, elle rit aux éclats et je sais qu’à cet instant elle est heureuse alors un sourire s’affiche doucement sur mes lèvres.
- Ils s’apprécient tous les deux !
L’espace d’un moment je l’avais presque oublié, dans mon dos, G.I Joe est imposant, un sourire mutin rend son visage plus agréable que lorsqu’il pose les yeux sur moi. Pourquoi être gentil avec moi s’il me méprise ?
Une odeur désagréable de cramé me brûle la cloison nasale et la gorge.- Je crois que cette crêpe est à point !
Comme s’il se réveillait lui aussi, Andrea se jette sur la poêle avant de jurer en italien. Mes cours remontent au lycée, mais concernant les insultes, c’est toujours une évidence. Je pouffe de rire.
- Cazzo ! ‘fanculo !
- Ce n’est pas grave !
Il jette la maudite à la poubelle et continue de blasphémer à haute voix. Orlane arrive en courant, le molosse sur ses talons et ils rentrent tous les deux. Le chien se pose aux pieds de son maître et ma fille s’approche de moi.
- Maman ! T’as vu, il a pas fait de bêtises ! Et en plus, il est trop gentil !
- J’ai vu ! Peut-être que Monsieur Moretti reviendra plus souvent avec son chien !
- Oh oui, ce serait trop cool ! Hein Andrea ?
- On verra principessa ! De temps en temps, peut-être !
Cette bonne nouvelle lui donne l’occasion de caresser l’animal une nouvelle fois.
- Allez, va te laver les mains avant de manger.
Orlane s'exécute et nous nous attablons dans la grande salle à manger jaune. Le soleil décline doucement et la nuit commence à poindre.
- Il se fait tard, je vais vous laisser !
- Oh déjà ! T’as qu’à dormir ici !
- Orlane ! Bon sang !
- Mais quoi maman ?
Décidément, aujourd’hui, elle me les enchaîne. Je rougis, et je ne sais même pas pourquoi, mais j’ai chaud d’un coup. Elle m'embarrasse vraiment. Andrea, rit doucement à sa proposition.
- Il faut que je rentre chez moi ! Mais on se revoit très vite, dans deux petits jours, pendant que ta mamma sera au travail !
- On va déposer Monsieur Moretti chez lui.
- Non ne vous dérangez pas !
- J’insiste !
J’ai encore le droit à un regard sombre, mais je ne me démonte pas cette fois-ci, j’envoie Orlane chercher son manteau dans sa chambre.
- Vous avez un problème avec moi ?
De but en blanc, je fonce dans le tas et me découvre une audace jusqu’ici cachée. Des sourcils levés, une moue inquisitrice, je crois que lui aussi découvre cette part de moi.
- Non, aucun…
- Alors cesser de me lancer ce genre de regard !
- Quels regards ?
Pour appuyer mes dires, il recommence.
- Celui-ci, votre regard sombre qui en dit long. Vous devez certainement me prendre pour une potiche et une idiote hypersensible, mais c’est quand même moi qui vous emploi, alors restez à votre place.
- Ce n’est pas du…
- Je suis prête maman !!
Orlane lui coupe l’herbe sous le pied et l’empêche de finir sa phrase. Tout le monde saute en voiture et je laisse Andrea me guider jusqu’à sa résidence. Il n’habite vraiment pas loin de notre nouvelle maison. Comme toujours, il a une attention particulière pour Orlane puis il se contente de me remercier avant de fermer la porte.
J’y suis peut-être allée un peu durement, mais chacun chez soi et les moutons seront bien gardés.Une fois à la maison, Orlane va dans sa chambre et mon téléphone se met à sonner, j’hésite à répondre quand je vois le nom qui apparaît sur l’écran.
- Ryan. Que veux-tu ?
- Parler à ma fille. Et l’avoir le week-end prochain.
- D’accord, tu n’auras qu’à venir la chercher vendredi soir quand je serais rentrée.
- Non, vendredi soir, je ne pourrais pas, je négocie un gros contrat, dépose là samedi matin.
- Non, mais tu plaisantes, tu veux voir ta fille, tu viens la chercher, point.
- C’est toi qui es partie de la maison.
- C’est toi qui m’as trompé espèce d’enflure.
- On est des adultes, Lexie, comportons nous comme tels.
- Alors tu viendras chercher ta fille samedi matin.
- Passe-moi Orlane.
J’appelle notre fille et elle descend discuter avec son père pendant quelques minutes. Il a vraiment du culot pour me demander de me comporter en adulte responsable alors que c’est lui qui n’a pas été capable de me regarder en face et de me dire “on arrête là” plutôt que d’aller fourrer sa secrétaire dans mon dos. Ceci va rythmer ma nouvelle vie, partager ma fille avec ce connard insensible, devoir le côtoyer alors que j’aimerais juste l’oublier et vivre ma vie.
Dimanche 27 Janvier
Pendant deux mois, tout s’est absolument bien passé, Ryan est venu chercher Orlane à la maison pratiquement tous les week-ends et le dimanche il faisait même le chemin pour la déposer. Entre lui et moi, c’est la simple politesse, ça ne va pas plus loin.
Les beaux jours refont surface et le temps est très ensoleillé pour une fin de mois de Janvier, est-ce que je vais m’en plaindre ? Je ne pense pas. Ryan a toujours préféré l’hiver, mais moi ce que je préfère, c’est le soleil. Vivement l’été.
Ce dimanche-là, Juliet est à la maison, elle profite de notre jardin, elle prend les premiers rayons de soleil de l'année, mais toujours avec son gros pull. Elle m’assure que c’est bon pour la peau, mais je crois que de vous à moi, elle a un sacré grain !
Il est pratiquement 17 heures lorsque Ryan sonne à la porte. Je vais ouvrir, je me contente de lui dire bonjour, Orlane lui dit au revoir et rentre. Je connais assez ma fille pour savoir que quelque chose la tracasse, c’est à peine si elle me calcule et semble dans son monde.- Juliet est au bord de la piscine !
Elle ne répond rien et se dirige dehors.
- Orlane ?
- Quoi ?
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Rien !
- Orlane, tu ne m’as même pas dit bonjour. Il s’est passé quelque chose chez papa ?
Et d’un seul coup, c’est le drame, ma fille se mets à sangloter si fort que mon cœur se serre. Je me pose mille questions à la seconde.
- Orlane parle-moi chérie.
- Non, je ne veux pas que tu sois triste.
- Orlane, je t’assure que tu peux tout me dire ma chérie, qu’est-ce qu’il y a ?
Les larmes cessent doucement et elle commence à renifler.
- Allez ma puce !
- C’est papa, il a dit qu’il ne t’aimait plus et que maintenant, il aimait Olivia.
Ma fille avait raison, ça me rend extrêmement triste. Je pensais que c’était juste un coup comme ça, pas qu’ils avaient des sentiments l’un pour l’autre, pas qu’il allait la présenter à notre fille quelques mois plus tard. Je voudrais mourir là tout de suite tellement la douleur dans mon cœur est en train de me mettre à terre, mais je ne peux pas être comme ça devant elle, elle ne doit pas me voir dans cet état.
- Ce n’est pas grave, chérie, je ne suis pas triste, c’est la vie.
- Moi, je suis triste, si papa a trouvé une nouvelle maman, pourquoi t’as pas trouvé un nouveau papa ?
Parce que ton père m’a blessé si profondément que je ne pourrais jamais plus faire confiance à un homme. L’aiguille qu’elle me plante profondément dans le cœur me coupe la respiration. Juliet qui a tout entendu s’approche de moi et distrait Orlane.
- Salut la grenouille !
Elle l’embrasse sur le front et la fait rigoler puis l’envoie gentiment dans sa chambre pour se mettre à l’aise, ce qu’Orlane fait sans broncher. Mon amie se plante devant moi.
- Ça va ?
- Et voilà, c’est officiel, il refait sa vie avec elle, il a fallu quelques mois pour passer l’éponge sur nous.
- Lexie soit réaliste, ça doit faire bien longtemps que leur histoire a commencé.
- Mais je pensais que c’était que du cul, pas qu’il l’aimait.
- Qu’est-ce que ça peut te faire de toute façon ? Tu voulais retourner avec lui ?
- Non, jamais.
- Alors parfait !
- Je suis blessée, Juliet, à cause de lui, je ne ferais plus jamais confiance à un mec, je ne pourrais jamais refaire ma vie pendant que lui se prélasse avec sa pute.
- Ma chérie, bien sûr que tu vas aller mieux ! Mais avant tout, tu dois reprendre confiance en toi ! Demain au déjeuner, c’est toi et moi et je t’assure que tu seras une nouvelle femme !
- Je n’ai pas envie d’être une nouvelle femme…
- Tu ne veux pas montrer à Ryan que toi aussi t’es passé à autre chose ?
- Je m’en contrefous de son avis.
- Alors montre au moins à ta fille que tu es forte et que tu ne te laisseras pas piétiner comme tu le fais depuis des années Lexie.
Juliet a raison, si je ne le fais pas pour moi, alors je dois au moins le faire pour Orlane, je ne veux pas qu’elle soit triste à cause de moi, je n’ai pas le droit de lui faire ça.
- Tu as raison…
- Ah, j’aime mieux ça !
- Et tu vas t’y prendre comment ?
- Contente-toi de venir demain au déjeuner et après ça, crois-moi, tu vas faire des ravages !
Elle me fait presque peur quand même. C’est que parfois Juliet a des idées complètement saugrenues et j’ai peur qu’en partant de chez elle, même moi, je ne me reconnaisse pas. Mais je suis prête à prendre le risque. Pour moi, pour Orlane.
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Lundi 28 Janvier
_Andrea.
Depuis maintenant trois mois que je garde la petite Orlane, je suis un autre homme, le stresse qui me tient d’habitude compagnie s’est envolé. Près d’elle, c’est un nouveau souffle qui m’inspire.
Même si une partie de moi n’est pas fière de me servir de cette petite fille pour m’informer, personne n’avait prévu que Lexie Foster découvrirais la seconde vie de son compagnon et décide de déménager. Comment ce figlio di puttana a pu faire ça à sa famille ? Alors personne ne peut jeter la pierre à cette femme, surtout qu’elle ne connaît qu’une partie visible de l’iceberg. Ryan Bennett, est tout sauf un homme honnête et je suis soulagé qu’elles soient loin de lui à l’heure actuelle.
Ce petit bout de femme extraordinaire, tenant à bout de bras sa nouvelle vie me fascine. Depuis qu’elle m’a remis les pendules à l’heure, j’évite d’être trop familier avec elle et me tient à distance, surtout que ce n’est pas contre elle que j’ai un problème, mais contre l’enorme pezzo di merda qui lui sert d’ex compagnon. Il suffit de la voir et de parler avec elle pour savoir comment il l’a traité toutes ses années.
Sa façon de ne pas se mettre en valeur, de rester toujours en retrait, de se dénigrer, nul doute que Monsieur Bennett lui ai mis en tête qu’elle n’était qu’une bonne à rien maladroite, alors que ce n’est pas le cas.Je vaque à mes occupations, si je ne veux pas me griller, rester chez moi et me cantonner au rôle de nounou est la meilleure chose à faire. Un coup d’œil à mon horloge et je sais que je vais décoller dans quelques instants pour aller chercher la petite fille blonde. Avant de me sauver, je me dirige vers la bibliothèque et en tire un livre “Il tempo che vorrei”, j’embrasse la photo que je cache à l’intérieur puis je caresse mon chien et enfin, je pars en direction de l’école.
Au milieu des parents d’élèves, je ne me sens pas mal à l’aise, ce qui me dérange, ce sont les regards de certaines mères qui en disent long. Pour les fuir, je reste sur mon téléphone et évite de lever mon nez de celui-ci. Le portail s’ouvre et un flot de mômes en sort, et comme souvent Orlane se trouve dans les derniers. Elle me rejoint en courant.
- Andrea !
- Principessa ! Dépêchons-nous, je me suis mal garé.
Et je n’ai clairement pas envie de me prendre une prune, ce serait vraiment un comble !
Orlane est étrangement silencieuse pendant la route et maintenant, je connais assez cette petite fille pour savoir qu’elle est tracassée.
Nous arrivons chez elles et Orlane descend, toujours en silence, j’ouvre la maison, la fillette va dans la cuisine.- Come stai oggi principessa ?
- Non bene…
Orlane est très volontaire et pose beaucoup de question, c’est une petite fille vraiment intelligente, avec qui je prends plaisir à lui enseigner quelques bases. Et comme je l’avais pressenti, elle n’est pas au top de sa forme.
- Qu’est-ce qu’il se passe ?
- J’ai rendu maman triste hier...
Et quelque chose me dit que ce n’est certainement pas de sa faute.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Je lui ai dit que papa l’aimait plus et qu’il aimait Olivia…
Au bout de presque deux ans, il était évident que ce n’était plus une question physique, mais de sentiments, seulement, Lexie ignore probablement cela.
- Et pourquoi penses-tu que cela a rendu ta maman triste ?
- Parce que je lui ai demandé pourquoi elle n’avait toujours pas trouvé un nouveau papa… et je l’ai entendu pleurer hier soir…
Tant de fardeaux sur les épaules d’une petite fille, alors que ce sont des histoires d’adultes, qui ne devraient concerner que les adultes.
- Ta maman est comme una rosa, principessa ! Elle a besoin de temps pour éclore ! Et quand elle l’aura fait, ce sera la plus belle des roses !
- Tu crois ?
- Fais-moi confiance !
Un sourire sur les lèvres, Orlane est de nouveau la petite fille joviale que j’aime garder. Je lui sers son goûter qu’elle dévore en un rien de temps.
Vient l’heure des devoirs, je ne fais que superviser puisqu’elle ne semble pas avoir beaucoup de difficultés, sauf en mathématiques peut-être.Enfin libérés, je laisse Orlane jouer dans sa chambre pendant que je nettoie la cuisine, elle revient une quinzaine de minutes plus tard avec un jeu de société. Il est un peu plus de 18h30, mais j’aime bien être en avance, déformation professionnelle sans doute.
- Tu connais le deal ! On pourra jouer seulement une fois que tu auras pris ta douche et enfiler ton pyjama !
- D’accord !
- Et ne mets pas de l’eau partout ! Sinon je vais me fâcher !
Ce qui n’est vraiment pas crédible, vu que je ne me fâche jamais. Je commence à préparer le repas quand je l’entends m’appeler de l’étage lorsqu’elle a fini, je monte vérifier que la salle de bain ne ressemble pas à une piscine olympique.
- Perfetto !
Nous pouvons descendre et jouer en attendant de manger et que sa mère rentre. Cette petite chipie ne fait que de me rouler et de gagner.
- J’ai encore rentré un cheval à l’écurie !
- Tu débordes de chance aujourd’hui !
Son rire résonne dans le salon quand la porte d’entrée se referme. Orlane court rejoindre sa mère en me plantant au milieu du salon.
- Mamma !!!
Je me lève quand elle revient, toujours en bondissant tel un kangourou, presque affolée.
- Andrea, regarde, maman est comme tu l’as dit, une rose !
Lexie apparaît dans le salon, ses longs cheveux chocolat ondulés cascadent jusqu’à sa poitrine, un léger maquillage recouvre ses yeux et du gloss rend sa bouche encore plus pulpeuse que d’origine. Ses petites lunettes écailles de tortues rehaussent la beauté de son regard. J’ai toujours trouvé que c’était une belle femme, mais à cet instant, elle est… bellissima.
- Comment on dit en italien la plus belle femme du monde ?
La question posée par la petite voix guillerette de sa fille me tire de ma contemplation.
- Sei la donna più bella del mondo !
Chaque mot qui sort de ma bouche est une vérité. Orlane s’empresse de lui répéter sans mal la phrase que je viens de lui dicter.
- Merci chérie !
La gêne occasionnée par nos regards, colore ses pommettes d’une teinte grenat. Adorable.
- Bonsoir Monsieur Moretti !
- Madame Foster !
Le bruit de la porte d’entrée se fait de nouveau entendre et une masse de cheveux colorés fait son apparition. Je reconnais évidemment la fameuse Juliet, sa meilleure amie, qui change de tête comme de chaussettes.
- Ben alors qu’est-ce qu’il se passe ici ?
- Juliet, t’as vu comme elle est trop belle maman ?
- Et oui, mon bouchon, remercie tata Juliet pour ce miracle !
Son amie pose les yeux sur moi, qui suis toujours muet comme une carpe depuis tout à l’heure, c’est un comble pour un Italien.
- Tiens salut G.I. Joe !!
- Bonsoir Juliet ! Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, j’ai préparé le repas. Bonne soirée !
- Restez avec nous, hein Lexie, tu ne vas pas mettre monsieur dehors ?
- Je ne voudrais pas vous importuner.
- Tsss ! Comme si ça allait déranger notre petite Lexie ! Lexie ?
- Non, vous pouvez rester !
- Voilà !!! Vous avez préparé quoi de bon ?
- Spaghetti alla bolognese !
- Humm ! On vous a déjà dit que vous étiez bon à marier ?
Je manque de m’étouffer à sa remarque, je me fais toujours avoir avec cette nana. Juliet est aux antipodes de Lexie. Il en faut pour m'effrayer, mais elle arrive très bien à le faire, je ne sais jamais ce à quoi je vais avoir droit, au moins avec Lexie, c’est simple, elle est discrète la plupart du temps.
Je m’éclipse dans la cuisine avec Orlane pour préparer la table. Je peux encore entendre Lexie et Juliet parler.- Pitié Juliet, tu ne vois pas que tu l'intimides !
- Oh ça va, c’est un grand garçon !
- Ne fais pas fuir ma nounou !
Je ris en cachette. Je sers Orlane, qu’elle puisse manger et j’irai la coucher ensuite. Les deux amies s’attablent, Lexie à côté de sa fille, en face de moi et Juliet à ma droite.
- Tes spaghettis sont à tomber G.I. Joe !
- Merci !
- Andrea fait toujours super bien à manger, tata Juliet !
- T’en a bien de la chance ma grande !!
Lexie d’ordinaire discrète sur sa façon d’être, est, ce soir, complètement transparente, elle semble assez gênée par sa transformation physique. Je tente de ne pas la regarder, mais c’est pire qu’un aimant, mes yeux ne peuvent s'empêcher de dériver vers elle. Heureusement, ma petite protégée a fini son repas, je vais donc pouvoir aller la coucher, c’était son compter sur tata Juliet.
- Pas un geste, c’est moi qui m’occupe de ma petite grenouille !
Et ce que je vois passer dans le regard de ma patronne, en ce moment, est tout simplement de la peur.
- Vous allez bien ?
- Très bien, merci.
- Pourtant ça n’a pas l’air.
Elle soupire avant de se lever de table et de débarrasser quelques affaires dans la cuisine, je ne suis pas parano et pourtant, j’ai comme l’impression qu’elle a un problème avec moi.
- Je crois que je vous dérange, je vais rentrer.
Cette femme est assez bouleversée dans sa vie pour que je m’impose, je préfère m’en aller et la laisser avec sa meilleure amie, mais je suis heureux de voir que j’avais raison, c’est une belle rose qui est prête à éclore.
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Lundi 28 Janvier
Andrea Moretti vient de quitter notre domicile et je peux enfin souffler. Juliet me retrouve dans la cuisine.
- Où est passé G.I. Joe ?
- Il est parti.
- Qu’est-ce que t’as encore fait ? Tu me dis de ne pas le faire fuir, mais tu te débrouilles très bien toute seule.
Je ne peux pas mentir à mon amie, alors je décide de lui déballer ce que je ressens.
- Je ne me sens pas moi comme ça… tu crois qu’un peu de maquillage et une coupe de cheveux va faire changer le regard des gens sur la maladroite et cocue Lexie Foster ?
- Oula tu me fais une crise là ? Chérie, on te demande de t’amuser là ! Pas de te caser hein !
- Mais je ne peux pas, je ne sais pas comment faire…
- Tu n’as besoin de rien faire, juste être toi, regarde l’homme que tu viens de faire fuir, par je ne sais quel moyen, a passé la soirée à te jeter des coups d’œil.
Nerveusement, je pouffe.
- Tu racontes n’importe quoi, il n’a fait qu’esquiver mon regard.
- Mon dieu Lexie, dès que tu avais les yeux tournés, il te dévorait des siens !
Un peu surprise de la révélation de Juliet, je ne pensais pas que mon nouveau look lui avait fait de l’effet. Orlane quant à elle a été ravie de découvrir sa nouvelle maman !
- Je ne vais pas me taper Andrea ?
- Et pourquoi pas ? Je suis certaine qu’il n’attend que ça !
- Orlane l’aime trop pour que je gâche ceci.
- Il faut que t’arrête de penser tout le temps aux autres et que tu penses plus à toi ma chérie !! Mais si c’est pas Andrea, trouve-toi quelqu’un d’autre, il faut vraiment que tu vives !
Je sais pertinemment qu’elle a raison, mais je n’arriverai jamais à tourner la page, pas comme Ryan l’a fait. Je ne sais pas draguer, je ne sais pas séduire, je ne sais pas flirter, je ne sais pas m’amuser avec les hommes, je n’ai jamais appris à faire cela.
Je ne suis jamais réellement passée par là avec Ryan, entre nous tout, c’était naturellement passé.- Allez, repose toi ma belle ! Mais je t’ai créé un compte sur une appli de rencontre alors demain, tu te mets en chasse !
- Je ne…
- Chut ! Pas un mot ! Tu vas te coucher et demain la nouvelle toi va surgir ! Promets-moi de regarder au moins.
- D’accord !
Le sourire lumineux affiché sur son visage me fait du bien. Elle embrasse mon front comme une mère le ferait, ce qui est plutôt drôle puisqu’elle est plus jeune que moi, puis elle sort de ma maison.
Il ne me reste plus qu’à débarrasser et aller prendre une douche avant de me coucher.
Impossible de fermer l’œil. J’attrape mon téléphone et regarde l’application de Juliet. Alors switch à gauche si je n’aime pas, et à droite si ça me plaît.
Au bout du dixième visage, que je balaie à gauche, je décide d’arrêter ces conneries. En plus, s'est basé uniquement sur le physique, pas étonnant que Juliet soit toujours en quête d’autre chose.Vendredi 8 Février
Je me suis finalement laissé convaincre par son application. Pratiquement dix jours plus tard, alors que ça fait deux jours que je parle à un inconnu, il me propose d’aller boire un verre.
Je suis encore plus nerveuse que le jour où j’ai passé mon permis, mon dieu pourquoi j’ai accepté cela, tout ça pour faire plaisir à Juliet. Alors c’est vrai Caleb est vraiment mignon, les quelques messages qu’on s’est échangés ont été simples et gentils, mais j’angoisse de me retrouver face à un homme que je ne connais pas.
Ryan ne pouvant pas venir chercher Orlane, ce soir, j’ai dû demander à Andrea de me la garder, j’avais tellement espéré qu’il refuse pour que je ne puisse pas me rendre à ce rendez-vous, au lieu de ça, il a accepté avec bienveillance.
Je me retrouve donc dans ma chambre en train de chercher quoi porter, sous les conseils de Juliet : “pitié ne mets pas de pantalon s’il te plaît”, je décide de mettre une robe. Je n’en ai pas porté depuis tellement longtemps que j’ai peur d’être ridicule. J’ondule mes cheveux, une légère touche de maquillage et c’est bon, je suis prête. Un dernier regard dans le miroir de la salle de bain et je souffle avant de sortir.- Orlane, maman s’en va !
- Waouh, maman, t’es trop belle comme ça !
- Merci mon cœur ! À demain, bonne nuit !
Elle me serre fort dans ses petits bras de fillette et m’embrasse sur la joue avant de retourner dans le salon regarder son dessin animé. Andrea est dans la cuisine, je m’y avance lentement, Orlane me trouve trop belle même quand je suis en pyjama, j’ai besoin d’un vrai avis. Je me racle la gorge avant de parler.
- J’ai besoin d’un avis masculin, vous me trouvez comment ?
Andrea ferme la porte du four et se retourne pour me regarder, son long silence me fait trépigner d’impatience.
- Bien !
- Bien ? Bon, j’y vais ! À plus tard ! Bonne soirée Monsieur Moretti.
Je crois l’entendre me souhaiter la même chose, mais je suis déjà partie et j’entends encore son “bien” résonner dans ma tête. Bon, bien, c’est mieux que rien, non ?
J’arrive devant le bar d’ambiance que m’a indiqué Caleb, je gare ma voiture et m’avance vers l’entrée, il a dit qu’il m'attendait à l’intérieur et qu’il a une veste rouge. Le bruit ambiant du lieu m’agace déjà. C’est au bar que je repère rapidement un blond avec une veste rouge. Il est déjà en discussion avec une jolie blonde, j’ai envie de faire demi-tour, mais je résiste et me fous un coup de pied au cul, je tapote doucement sur son coude.- Caleb ?
- Oh Lexie ! Tu es charmante !
Ses lèvres se posent avec douceur sur mes pommettes rougies probablement vu que je sens mon visage en feu. Sa main dans le bas de mon dos, il nous dirige dans un coin tranquille.
Caleb est prévenant, il essaie de me mettre à l’aise et peu à peu, je me sens bien, il me commande un verre de vin et me raconte ce qu’il fait dans la vie.- Tu as des enfants ?
- Oh non ! Très peu pour moi ! Et toi ?
- Une petite fille de sept ans et demi…
- Ah cool ! Après, on veut juste passer du bon temps toi et moi pas se marier !
De but en blanc, il me balance cette remarque affligeante, je ne réponds rien, mais affiche un sourire poli, comme j’ai appris à le faire avec Ryan et pourtant, je suis blessée par sa remarque, il est peut-être honnête, mais ça n'empêche pas le fait qu’il pourrait se montrer plus courtois. Je doute vraiment de trouver quelqu’un qui me corresponde sur ce genre d’application, mais je fais l’effort de sortir de mes habitudes.
La soirée se passe globalement bien, même si je ne suis pas très bavarde, une habitude que j’ai prise au cours de ces dernières années. Caleb me raccompagne dehors, je me sens inquiète en sachant pertinemment ce qu’il attend.
- On a passé une bonne soirée !
- Oui !
L’air du soir est frais, un frisson me fait tressaillir. De ses grandes mains, Caleb frotte mes deux bras, ce qui me réchauffe tout de suite. Sa main s’empare de ma nuque et sa bouche trouve la mienne, sans préavis. Surprise, je me laisse faire, sa seconde main plaque le bas de mon corps contre lui et c’est le drame. Je me sens mal à l’aise.
- Tu ne veux pas venir chez moi qu’on finisse la soirée ?
- Je… je ne peux pas, il faut que je rentre.
- Qu’est-ce qu’il y a ? Je suis trop avenant pour toi ?
- Je ne peux pas… je ne peux pas faire ça, je suis désolée.
- C’est pas grave ! On a passé une bonne soirée hein !
- Oui, merci ! Il faut vraiment que j’y aille.
Un dernier baiser sur ma joue et je monte dans ma voiture. Je suis vraiment ridicule, pathétique, Juliet n’aurait jamais hésité une seconde et moi, je me défile à peine un baiser sur la bouche. Pas étonnant que Ryan soit allé voir ailleurs. Soudain, un truc à fourrure traverse la route et je pile à temps pour éviter de le cartonner. Heureusement, il n’y a personne sur cette petite route de campagne, je reprends mon itinéraire jusqu’à la maison en restant attentive.
Le moteur arrêté, je me remémore la soirée, épuisée, les larmes s’emparent de moi, comme d’habitude. Je sors et me précipite à l’intérieur sans faire de bruit. Le son de la télé vient jusqu’à moi, je tente de pleurer en silence et vais dans le salon. Andrea est étalé de tout son long sur le canapé, je m’avance à pas de loup pour le réveiller. Je renifle et ma main frêle s’approche de son torse quand il l’attrape à la volée me faisant sursauter.
- Cazzo ! Vous m’avez flanqué la frousse !
- Je suis désolée…
Ma voix se brise en passant la barrière de ma bouche, sa grande main chaude tient toujours la mienne avant qu’il ne la lâche et se lève.
- Vous allez bien ?
- Ça va ! Rentrez chez vous, merci d’avoir gardé Orlane ce soir.
Je me soustrais à son regard inquisiteur et baisse les yeux en allant jusqu’à l’entrée. Il me rattrape en un rien de temps et agrippe mon bras.
- Lexie ? Vous pleurez ?
Je crois que c’est la première fois qu’il m’appelle par mon prénom. Je n’ai pas le temps de m’en préoccuper, car je suis trop tourmentée par mes sentiments et ma soirée.
- Ça va aller, rentrez maintenant.
Mais le tas de muscles, bâtit comme un roc à côté de moi, n’a que faire de ce que je dis et me retient.
- Dîtes-moi ce qu’il se passe, per favore !
- Arrêtez ! Tout va bien ! Rentrez chez vous maintenant.
Comme si mon corps voulait lui donner raison, j’éclate en sanglots devant lui, une fois de plus il assiste à ma descente aux enfers. Voilà à quoi j’en suis réduite, à pleurer dans les bras d’un mec qui doit me voir comme une pathétique petite chose fragile et susceptible, une pleurnicheuse, maladroite et cocue. Le tableau est des plus plaisants. C’est comme ça que chaque homme finira par me voir, c’est comme ça que je suis et aucune métamorphose physique ne changera ce que je suis à l’intérieur.
Je voudrais réellement me transformer en une petite souris et disparaître pour tout le monde.
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Vendredi 8 Février
_Andrea
Dès qu’elle a ouvert la bouche, j’ai su qu’il y avait un problème, sa voix tremblotante et ses yeux de biche mouillés, il me faut une explication. C’est sans compter sur la tête de bois que j’ai en face de moi, elle me remercie et me fout à la porte, hors de question que je m’en aille comme ça.
Au diable ses avertissements sur la familiarité, je la rattrape manu militari et sa tête m’envoie peut-être balader, mais son corps se met à trembler tant son chagrin lui prend aux tripes. Je tiens son petit corps de femme contre moi pendant qu’elle pleure et je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’elle a…
Je me sentais plutôt contrarié en sachant qu’elle voyait quelqu’un ce soir, elle était tellement belle avant de partir que j’ai complètement déconnecté, alors si se bastardo a osé faire quelque chose de déplacé, je ne donne pas cher de sa peau.- Laissez-moi, allez-vous-en, vous ne pouvez pas me voir comme ça encore…
- Je vous vois telle que vous êtes.
- Une pathétique fille, pleurnicheuse et…
- Basta !
J’ai peut-être parlé un peu plus durement que je ne l’aurais voulu, je la sens sursauter, mais je n’en peux plus de la voir se dénigrer comme elle le fait.
- Vous n’êtes pas du tout comme votre ex vous l'a si souvent dit, vous êtes une belle femme, pleine de vie, il faut juste que vous arriviez à le voir, que vous sortiez de cet engrenage, vous devez fleurir à votre rythme, come una rosa...
Elle me lâche pour me regarder, je n’ai pas été aussi sincère avec une femme depuis des années. Les larmes sur son visage ne la rendent pas moins jolie, mais je déteste la voir comme ça, je voudrais lui voler un baiser, mais je me fais violence pour ne pas craquer, inutile de rajouter cela à sa soirée déjà agitée.
- Vous le pensez ? Ce que vous avez dit ?
- Certo !
Du revers de la main, elle efface les traces de ses sanglots sur ses joues, son maquillage en fait légèrement les frais.
- Merci.
- Et je vous interdis de vous excuser ! Allez vous reposer ça ira bien mieux demain matin !
Elle sourit, je sais que c’est un vrai sourire, car elle sourit aussi avec ses yeux. Bon sang, un instinct de protection se réveille en moi, je sais que c’est inconvenant, alors je pars, sans me retourner, parce que j’ai peur de faire une bêtise si je pose à nouveau les yeux sur elle.
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_Lexie
Esseulée dans mon entrée, je tente de reprendre contenance. Ce sont les choses les plus gentilles qu’on m’ait jamais dites, ses yeux me scrutaient comme si j'étais une sculpture de glace prête à fondre sous son regard, et son timbre de voix italien me donnait envie de me liquéfier sur place, si bien que l’espace d’un moment, j’ai voulu l’embrasser. Trop timide, je n’ai pas osé, j’avais si peur de me prendre un râteau… deux coups durs dans la soirée aurait été de trop. Andrea avait seulement envie d’être courtois avec moi, me rassurer, je suis si idiote d’avoir pleuré comme ça. Je vais me coucher, il a dit que demain tout irait mieux et j’ai envie d’y croire.
Samedi 9 FévrierJe me lève tôt et me prépare, Ryan va venir chercher Orlane d’ici peu et je ne veux plus ressembler à une fille froide et sans valeur. Alors du mieux que je peux, je me transforme comme me l'a montré Juliet. La sonnette retentit déjà.
- Orlane descend, papa est là.
- J’arrive !
Je souffle un grand coup puis j’ouvre la porte.
- Bonjour Ryan !
- Oh, bonjour Lexie. Tu es resplendissante aujourd’hui.
Un sourire pour réponse, j’attends avec lui sur le palier de la maison que notre fille veuille bien arriver.
- Comment tu vas ?
- Très bien et toi ?
- Ça va ! Écoute la semaine prochaine, je pars en week-end… je ne pourrais pas prendre Orlane.
- Pas de soucis.
- Je suis désolé, je…
- J’ai dit, pas de soucis !
La porte s’ouvre à nouveau et Orlane m’embrasse avant de partir avec son père, je vais pouvoir respirer un peu. Je prends mes affaires et je décide d’aller voir Juliet.
Le petit café que gère ma meilleure amie est pratiquement vide pour un samedi matin, je rentre et vais l’embrasser directement.- Oh, mais regardez-moi cette belle fleur ! Ton rencard d’hier soir s’est plutôt bien passé à ce que je vois !
- Non, pas du tout, c’était la cata.
- Tu m’as l’air en forme en tout cas, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
- Il m’a embrassé avant de vouloir aller chez lui, mais je n’ai pas pu, je ne me sentais pas à l’aise, j’ai fui comme un lapin avant de rentrer chez moi en pleurant.
- Oh ma bichette, pourquoi tu m’as pas appelé ?
- Il était tard, et puis Andrea était là, il m’a consolé.
- Tu m’en diras tant !!
Son petit regard qui en dit long et son sourire langoureux me fait monter le rose aux joues.
- Arrête, je t’ai dit, c’est juste la nounou.
- Oh oui ! La nounou ! S’il ne t'intéresse pas, tu ne vois aucun inconvénient à ce que j’en profite alors ? Je suis certaine qu’avec les bras qu’il a, me lever contre un mur sera un jeu d’enfant pour lui !
- Quoi ? Non !!
- C’est bien ce qu’il me semblait ! Si tu le trouves à ton goût, pourquoi tu ne vas pas le retrouver ?
Parce que c’est un mec, et que tous les mecs sont des connards, infidèles, menteurs, manipulateurs, égoïstes et…
- Lexie ?
- Parce que je te le redis, Orlane l’aime trop pour que je fasse ça, t’imagines le malaise après ? Non, je ne peux pas…
Très peu convaincue par ma réponse, elle lève les yeux au ciel. Elle prend les commandes des clients qui arrivent puis revient vers moi.
- Bon et ce soir, c’est toi, moi et une soirée déguisée meuf !
- Oh non Juliet, j’ai même pas de déguisement !
- T’inquiètes, j’ai tout ce qu’il faut !
- Justement ça m’inquiète.
- Eh ! Tu veux niquer ou quoi ?
- Non !!!
- Chérie, tu ne vas pas rester none jusqu’au tombeau ?
- Pourquoi pas ?
Juliet lève encore les yeux au ciel, ils vont bientôt sortir de leurs orbites si elle continue comme ça. Et je finis par rester avec elle, je l’aide même à faire le service, contre son avis ! Le soir venu, nous montons dans son petit appartement cosy. Je suis anxieuse, car je ne sais pas ce qu’elle me réserve.
- Allons dans mon antre !
Elle fouille et fouille, encore et encore puis elle finit par sortir une robe rouge.
- Tient se sera parfait pour toi !
- Attends, tu délires, c’est trop court, je ne vais pas mettre ça !
- Lexie, arrête de jouer les divas, enfile ça et tu verras, tu te mettras dans la peau du personnage !
- Avec un truc aussi court ça m’étonnerait !
Mais je baisse les bras et écoute ma meilleure amie déjantée. J’entre dans sa salle de bain et vais prendre une douche, j’en ressors apaisée, jusqu’à ce que je jette un œil à la robe accrochée derrière moi. Je ne pourrais jamais porter un truc pareil sans me sentir mal.
J’enfile le costume du petit chaperon rouge version film X et me regarde dans son miroir, c’est beaucoup trop court. Je rejoins Juliet.- Mon dieu, t’es canon !!
- On voit la moitié de mes fesses.
- Il fera pratiquement noir, personne n’y fera attention !
- Si, tout ce qui a une queue…
- À toi de faire une sélection ! Je suis absolument certaine que tu vas trouver ce qu’il te faut ce soir ! Fais-moi confiance !
La masse de cheveux violets disparaît à son tour dans la salle de bain et je ne peux m’empêcher de baisser la robe sans succès. Juliet ressort de la petite pièce en Cheerleader, haut qui laisse entrevoir son ventre et jupe ras les fesses, je me dis que j’ai échappée au pire quand même.
- Non mais chérie ça ne sert à rien de baisser cette robe, elle n’ira pas plus bas !
- T’as acheté ça dans un sex-shop ?
- Non, mais la tenue d’écolière là-bas, oui ! Tu veux faire l’échange ?
- Non ça ira, merci.
Son rire résonne dans la pièce, mais je n’ai pas vraiment envie de tenir la cadence. Je suis la pom-pom girl de près jusqu’à sa voiture et me laisse guider jusqu’au lieu de la fête.
Trop de bruit, trop de monde, j’ai déjà envie de partir. Comme je m’y attendais, les regards envieux des hommes me donnent envie de vomir. Je suis certaine que la plupart de ces salopards sont en couple et qu’ils viennent juste chercher de quoi s’amuser.
Toujours collée aux baskets de ma meilleure amie, je me retrouve devant le bar, elle salue le barman d’un baiser sur la joue.- Je te présente Baptiste ! C’est un ange ! Voici Lexie, ma meilleure amie !
- Enchanté Lexie !
- De même !
- Sers-lui un verre mon chou, elle a besoin de décompresser un peu !!
- Je ne veux rien boire !
- Chérie ! On dirait que t’es constipé, faut vraiment que tu te dérides ! Tu me remercieras plus tard !
Je dois admettre qu’elle a quand même raison, faut que je profite, ça fait beaucoup trop longtemps que je ne suis pas sortie, sans enfants, sans homme, juste moi et mon amie. Après un verre ou deux, j’aurais oublié la longueur de cette robe et l’ambiance de la soirée me paraîtra moins agaçante. Attention tout le monde, j’arrive !
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Samedi 9 Février
_Andrea
En fin d’après-midi, alors que je viens de raccrocher avec ma mamma, je m’installe à mon bureau pour classer des dossiers et regarder si celui de Ryan Bennett avance bien, le but étant d’attraper tous les gros poissons, pas uniquement le ver pendu au bout de la canne.
Ryuk quémande à sortir et c’est avec nonchalance que je me lève pour lui faire faire un tour. Mon chien est comme un coq en pâte, il furète chaque recoin. Mon téléphone vibre d’une façon particulière, une vibration unique que je n’ai attribuée qu’à une seule personne. Lexie Foster. Je me demande ce qu’elle veut, peut-être à cause d'hier soir, c’est un peu fébrile que je prends mon téléphone. Le SMS que je lis me fait beaucoup rire “Salut G.I.Joe, rejoins-moi vers 22h au bar Le 911 ! P.S : C’est soirée déguisée et je serais un petit chaperon rouge ! Lexie.” Je suis loin d’être un idiot, je sais très clairement que c’est Juliet derrière ce message. Comment la timide et fragile Lexie aurait pu écrire ceci ?
Est-ce que je vais m’en plaindre ? Grand dieu non. Voilà mon excuse pour la retrouver et j’ai déjà le déguisement parfait.- Ryuk, vieni !
Je ne réponds pas au message, inutile de gâcher l’effet de surprise. Je rentre et vais me préparer. De mon placard, j’ai ressorti mon vieux treillis qui me va encore comme un gant. Je regarde l’heure et prends la route, les filles doivent déjà être là-bas depuis un petit moment, je ne voulais pas arriver trop tôt, si je suis le mal venu, je m’en voudrais d’avoir gâché sa soirée.
J’entre et ne laisse pas les filles indifférentes, je peux sentir leurs regards, certaines se frottent à moi, d’autres jasent avec leur copines, mais je n’en ai que faire, la seule que je veux voir c’est mon petit chaperon rouge. Après un moment, je repère une capuche écarlate et m’approche doucement, mais dès que la personne se retourne, je vois que ce n’est pas elle et puis mon regard se perd plus loin et je la vois.
Ses longs cheveux qui cascadent autour de son visage angélique, et cette tenue beaucoup trop voyante, beaucoup trop courte n’est certainement pas ce qu’elle aurait choisi. Son air innocent est déformé par la colère, un gars lui tient le poignet fermement.
Sans me poser de questions, je m’avance à grands pas. La musique est si forte que l’on est obligé de crier pour se faire entendre.- Ça va, fait pas ta prude ma jolie, on est tous là pour s’éclater !
- Lâchez-moi maintenant, vous me faites mal !
- Tu veux jouer les coincées avec moi…
- Je crois que la demoiselle t’a demandé de la lâcher !
- T’es qui toi ? Casse-toi !
- Ça se voit, non, je suis G.I. Joe, maintenant dégage ! Fuori da qui coglione !
- Calme-toi le rital, reprends-là ta nana, elle m'intéresse pas, beaucoup trop frigide ! Bon courage !
Le bastardo, tel un taureau, je vois rouge, en temps normal, je suis réfléchi, et je sais pertinemment que si je lui mets mon poing dans la figure ça ne m'apportera que des problèmes pour le boulot, mais là plus rien ne me retient. Je fais un pas en avant et la petite main de Lexie se pose sur mon avant-bras.
- Andrea ! C’est bon, il n’en vaut pas la peine.
Comme un puissant calmant, je la regarde et m’arrête, elle est toute menue et tellement sexy dans ce costume… que j’ai peur que mon pantalon ait du mal à cacher l’effet qu’elle me fait.
- Qu’est-ce que vous faites-là ?
- J’ai reçu votre SMS !
- Mais je n’ai… oh la garce, c’est encore…
- Je sais ! Où est-elle d’ailleurs ?
- Elle m’a dit qu’elle partait aux toilettes, mais si vous voulez mon avis, elle n’y est pas allée seule…
Sa moue dégoûtée me fait beaucoup rire, comme un automatisme, son pied tape au rythme de la musique.
- Vous voulez boire un verre ?
- Non, merci, j’en suis déjà à mon troisième et je n’ai plus les idées très claires.
- Je vais vous raccompagner, envoyez un message à Juliet et rentrons !
J’ai l’impression de lui sauver la vie, son regard en dit long, elle n’est pas du tout à l’aise dans ce genre de soirée, et encore moins dans sa robe qu’elle tente de descendre chaque minute.
- Vous savez que vous n’allez pas rallonger le tissu en tirant dessus… ?
- Bon sang ! Allons-y ! Je lui écrirais de la voiture, j’ai la tête qui va exploser !
Elle passe devant moi, ce qui me laisse le loisir de regarder sans vergogne le galbe de ses fesses et de ses longues jambes. Lexie tient bien debout, mais ne marche pas vraiment droit, surtout qu’elle continue de vouloir étirer le léger tissu de son costume. Ce comportement incorrect, me vaudrait una lezione di mia madre, elle ne serait pas vraiment fière de moi à cet instant, je finis par regarder le chemin devant nous.
Une fois sur le parking, je prends les devants et elle me suis jusqu’à ma voiture. Elle se jette sur le fauteuil de l’auto en soupirant de bien-être. Je démarre et mets un peu de chauffage.- Vous ne m’en voulez pas d’être intervenu, j’espère, mais ce… testa di cazzo…
Je marmonne dans ma barbe et j’entends doucement rire Lexie à côté de moi.
- En fait, j’ai été rassuré de vous voir arriver ! Très sympa ce costume d’ailleurs !
- Grazie !
Lexie somnole, dans un état de mi-conscience, elle se rend compte que je ne me dirige pas chez elle.
- Où est-ce que vous allez ?
- A casa mia, gattina !
Je peux sentir sa peur transpirer par tous les pores de sa peau, l’angoisse la prend et le sommeil vient de s’évader subitement. Je sais très clairement ce qui se passe dans sa petite tête, elle m’a dit qu’elle avait bu et il est certain qu’elle craint que je ne m’amuse de sa situation.
- Orlane n’est pas là, vous avez bu et mon chien attend que je rentre, vous irez vous reposer et je vous déposerai chez vous demain !
- Vous n’êtes pas obligé, je peux me débrouiller toute seule.
- Je le sais, mais nous sommes déjà arrivés, à moins que vous ne vouliez rentrer à pieds, vous allez dormir ici.
Sa petite moue boudeuse m’oblige à sourire. Son téléphone résonne dans le hall de l’immeuble.
- Ah merde, Juliet, j’ai oublié de lui écrire.
Elle décroche.
- Juliet ! [...] Oui, désolé, j’ai oublié de t’écrire ! [...] Non, non. [...] Ne t’inquiète pas pour moi… je suis avec Andrea. [...] Tu es la pire amie du monde, tu le sais ? [...] Quoi ? Non ! Juliet, bonne nuit !
Toujours dans mon dos, chuchotant à la fin de son appel, elle finit par raccrocher sèchement.
- Sale peste !
- Tout va bien ?
- Oui, pas de problème ! Elle s’inquiétait ! Je suis confuse qu’elle ait encore osé vous écrire avec mon portable.
- Ça ne me gêne pas !
J’arrive devant la porte de chez moi et l’ouvre pour faire passer Lexie. Ryuk nous accueille avec bienveillance. Mon invitée s’avance timidement dans la pièce centrale. Le petit chaperon rouge, il n'était pas aussi sexy quand je l’imaginais étant petit.
- Pourquoi me regardez-vous comme ça ?
Sa question me sort de mes pensées.
- Pardon ! J’étais dans mes souvenirs ! Cappuccetto rosso !! Mon conte favori !
- Je suis certaine que le chaperon de la véritable histoire n’avait pas une robe aussi courte !
- Je ne pense pas, mais elle vous va à ravir !
Ses deux pommettes rougissent en cœur, elle détourne le regard, je pense qu’elle est flattée du compliment avant qu’elle ne pose les yeux sur moi et la colère que je peux y lire me glace le sang.
- Vous dites cela parce que je suis maquillée et habillée comme une prostituée.
- Non, bien sûr que non…
- Je suis fatiguée, où est-ce que je peux dormir ?
- Lexie, je vous assure que vous vous trompez…
- Et bien pourtant hier j’étais juste “bien” !
Oh ! Je vois où elle veut en venir, stupido, Lexie n’a aucune confiance en elle et aujourd’hui qu’elle est habillée de façon provocante et que j’ose lui dire qu’elle est belle, elle pense simplement que je suis un crétin qui n’attend qu’une seule chose.
- Hier, vous n’étiez pas juste bien, vous étiez bellissima, meravigliosa creatura…
Je reçois de ses cinq doigts délicats, une gifle que je n’attendais pas, au lieu de me rattraper, je m’enfonce plus encore. Andrea tais-toi, tu ne vas qu’aggraver les choses.
- Scusa mi, gattina, non è quello che pensi tu…
- Vous recommencez à parler italien, Monsieur Moretti…
- Je suis désolé, mais je vais me taire, allez vous coucher, je l’ai mérité.
Je traverse la pièce jusqu’à la porte de ma chambre, je sors d’un de mes placards quelque chose de long et confortable pour Lexie, je sais qu’elle est dans mon dos, mais ne dis pas un mot.
- Tenez, vous serez plus à l’aise.
- Merci ! Je pourrais utiliser votre salle de bain, j’ai besoin de me rafraîchir.
Je l’y conduis et lui donne tout ce dont elle pourrait avoir besoin puis je file dans ma cuisine, pour me servir un verre de limoncello que je descends cul-sec. Ryuk me regarde faire les cent pas dans mon appartement, que je trouve bien minuscule tout à coup. La porte s’ouvre et en sort une Lexie métamorphosée, fini le costume vulgaire et le maquillage provocant, elle est de nouveau une simple femme.
- Oh, ma che diavolo !
J’engloutis la distance qui me sépare d’elle, je la surplombe de ma hauteur, mais je n’ai rien de menaçant, au contraire. Ma main se faufile dans sa nuque, je saisis la base de ses cheveux et me penche vers elle. Lexie se laisse faire sans dire un mot, sans bouger et je pose doucement ma bouche sur la sienne, un baiser volé à la sauvette, un baiser auquel elle répond en bougeant les lèvres.
Je recule mon visage de quelques centimètres pour la regarder et replonge sur sa bouche, plus langoureusement. Avec délicatesse, sa main s’approche de mon visage, alors je ne m’arrête pas, seul nos lèvres sont en contact, je décide d’avancer petit à petit, jusqu’à la coller contre moi. Sa respiration commence à être saccadée et ses deux paumes se posent sur mon torse, à cet instant précis, ce n’est pas du désir qui émane d’elle, mais de la peur ce qui me coupe sans délai.
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