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Samedi 3 Novembre
Je pleure à chaudes larmes à mon volant, il faut que je me reprenne si je ne veux pas finir dans le décor, je me gare près du café de Juliet. Je ne peux pas récupérer Orlane, pas dans cet état, pas avant d’avoir mis les choses aux claires avec Ryan. Une nouvelle vague de sanglots m'envahit alors que mon portable sonne. Une fois, deux fois, trois fois, puis un message de Ryan “Rentre à la maison”. Je veux juste qu’il aille se faire foutre, je n’ai pas envie de l’écouter, pas envie de lui obéir, je voudrais l’oublier, oublier ce qu’il m’a fait, mais je vais rentrer, je vais le faire pour Orlane.
La pluie vient se mêler à cette journée de merde, entre mes larmes et ce fichu temps, je vais finir par avoir un accident. Heureusement, j’arrive en un seul morceau ou presque à la maison. Je pousse la porte d'entrée.- Tu es enfin là, j’ai eu peur que…
- Assez !
- Lexie, écoute…
- Non, c’est toi qui vas m’écouter, ça fait longtemps que j’aurais dû faire ça, mais c’est fini.
- Tu ne vas pas partir ?
- Bien sûr que si ! Il est hors de question que je reste avec un menteur, infidèle… tu es un monstre Ryan.
Je recommence à pleurer malgré moi, alors que je voudrais être forte devant lui, je m'effondre comme un château de carte face au vent.
- T’as détruit ma vie, Ryan, qu’est-ce que ça te fait de m’avoir pris jusqu’au dernier morceau du cœur que t’as détruit ?
- Lexie, nous deux... c’était platonique…
- Il te suffisait de le dire et de partir au lieu de m’infliger ça.
- Je suis resté pour Orlane. J’ai de l’affection pour toi Lexie, mais…
- Mais tu préfères baiser cette pute. Je te déteste, je déteste ce que tu es devenu Ryan, un connard arrogant. Je vais me trouver un endroit où vivre avec Orlane le plus rapidement possible.
- Tu ne vas aller nulle part Lexie.
- Tu ne m'obligeras jamais à rester ici avec toi.
Ses doigts s’enroulent brutalement autour de mes poignets.
- Arrête ça, tu me fais peur.
- Tu ne peux pas partir.
- Ryan, il est hors de question qu'on reste ensemble.
- Tu ne comprends pas, tu ne peux pas partir pour ta sécurité et celle d’Orlane.
Maintenant, il me fait peur, mais plus physiquement.
- Je ne peux pas t’en parler Lexie, mais je préfère que tu restes ici.
- Hors de question Ryan, si en plus tu trempes dans des affaires louches, c'est loin de toi qu'on sera en sécurité.
- Je t’en supplie…
- Lâche-moi. Je dois aller chercher notre fille.
Je m’arrache à sa poigne et reprends le volant jusque chez Juliet. Je sens mes yeux gonflés et rougis par les sanglots qui s’abattent sur mes joues depuis tout à l’heure.
Juliet sert un client quand j’arrive. À peine ses yeux posés sur moi qu’elle comprend.- Ma belle, je ne pensais pas que tu prendrais au pied de la lettre ma recommandation de le plaquer.
- C’est toi qui avais raison Juliet, Ryan et… sa secrétaire…
J’éclate de nouveau dans les bras de Juliet. Ma vie va prendre un nouveau tournant.
- Je suis désolée… je ne pensais pas que…
- Moi non plus je n’aurais jamais pensé.
- Tu vas faire quoi ?
- En parler avec Orlane et déménager.
- Me parler de quoi maman ?
La petite fille blonde qui fait battre de nouveau mon cœur apparaît. Ryan l’a peut-être démolie, mais elle l’a recollé en un instant.
- Ma chérie… on rentre, on verra à la maison.
Je remercie Juliet chaleureusement et retourne vers cette maison qui n’est plus la mienne désormais. Ryan nous attend dans la cuisine, il a commandé des pizzas. Orlane trépigne d’impatience de manger et court le rejoindre, moi, je n’ai pas du tout faim, mais elle me demande.
- Tu voulais me dire quoi maman ?
- Mange chérie, on en discutera après.
Ryan me lance un regard inquisiteur. Elle continue de se goinfrer de pizza et je l’envoie se brosser les dents.
- Qu’est-ce que tu fais, Lexie, tu veux en parler à Orlane ?
- Je te l’ai dit Ryan, il est hors de question qu’on reste ici. J’ai perdu trop de temps avec toi.
- J’ai fini !
- Viens par-là ma puce.
Orlane s’approche de nous et c’est moi qui prends les choses en mains.
- Écoute, papa et moi, on va se séprarer...
- Vous allez divorcer ? Comme les parents de Robyn ?
- En quelques sortes !
- Robyn, elle dit que c’est trop cool parce qu’elle a deux fois plus de cadeaux, mais ça veut dire que je verrais plus papa… ?
- Chérie, le papa de Robyn a déménagé, mais moi je reste ici, ça ne changera rien.
- Vous divorcer parce que papa n’est jamais à la maison ?
Elle est plus intelligente qu’on pourrait le croire, cette petite me bluffe chaque jour.
- Vous allez toujours m’aimer ?
- Bien sûr.
La voix de Ryan résonne en même temps que la mienne, nous avons peut-être raté notre vie, mais Orlane est la plus belle chose qu’on est faites tous les deux.
- Alors si vous m’aimez et que j’ai deux fois plus de cadeaux, c’est cool !
Je souris à sa remarque et Ryan la couche. C’est sous le jet d’eau de la douche que je continue de pleurer, c’est comme si j’étais prise entre deux feux, une partie de moi est soulagée, mais l’autre partie est brisée. Je m’enroule dans ma serviette avant d’aller dans la chambre. Mon ex compagnon attend debout et se retourne en percevant ma présence.
- Lexie… on se connaît depuis qu’on est des gamins… je suis désolé, je ne voulais pas te faire souffrir.
- Non, tu n’es pas désolé, Ryan, si tu voulais m’éviter cette peine, il fallait juste qu’on discute.
- J’ai agi comme un idiot d’accord.
Sa main glisse sur ma joue, essuie des larmes qui s’échappent de mes yeux et se rapproche de moi.
- Tu étais la première Lexie…
Sa bouche se rapproche de la mienne, je peux sentir son souffle contre mes lèvres. Il m’embrasse et rapproche mon corps du sien.
- Stop !
Je le repousse violemment, il ne m’aura pas comme ça, plus jamais.
- La dernière fois que tu m’as prise, j’ai eu l’impression d’être une catin, et il est hors de question que tu me touches, plus jamais, tu m’entends ?! Plus jamais ! Va retrouver Livy, tu es libre maintenant.
- Tu me mets à la porte ?
- Tu ne dormiras pas dans ce lit ce soir, le canapé est libre, mais si tu préfères t’éclipser chez ta pute, tu peux désormais le faire sans te cacher.
- Je regrette vraiment ce qu’il se passe entre nous, Lexie… j’aimerais qu’on reste en bon terme…
Un rire nerveux résonne dans la pièce et je me rends compte qu’il s’agit du mien.
- Ryan, je respecterais toujours ton rôle en tant que père… mais en tant qu’homme, tu n’es plus rien à mes yeux. On restera en bon terme uniquement pour notre fille, mais n’attends plus rien de moi, jamais. J’aimerais dormir maintenant, sors.
Alors le pas lent, il sort de la chambre. Ma poitrine se serre, j’attends de savoir s’il va sortir la retrouver, mais il n’en fait rien. Cela ne m’empêche pas de fondre en larmes dans mes draps.
Tu parles d’un week-end reposant. C’est vrai que lui et moi on traîne ensemble depuis qu’on est gamins et c’est au collège qu’on a sauté le pas. Tout le monde pensait que notre couple ne durerait jamais surtout que Ryan était deux classes au-dessus de la mienne, alors les changements entre établissements, c’était le plus dur, mais nous avons surmontés tout ça. Nous avons même surmontés cette grossesse non désirée qui nous a finalement remplis de bonheur. Douze années balayées aussi rapidement qu’un tas de feuilles en automne.
Accrochée à mon oreiller, les larmes coulent et s’écoulent, mon idiot de cerveau ne peut s’empêcher de me remémorer des jours heureux, des jours où Ryan était la seule personne qui comptait pour moi, des jours où il me faisait rire, des jours où je savais que son amour était inconditionnel. C’est la fatigue de la tristesse qui finit par avoir raison de moi et je m’endors.
Dimanche 4 NovembreJ’ai très mal aux yeux, j’entends Orlane parler, j’enfile un peignoir et je rejoins la cuisine. L’odeur du café embaume la maison. Lui, qui ne fait jamais rien d’habitude, attend que l’on se sépare pour faire du café, que c’est ironique.
- Maman ! Pourquoi tu as pleuré ?
- Parce que maman est triste, chérie.
- Mais pourquoi ? Parce que tu divorces de papa ? Si t’es triste alors faut pas divorcer maman.
Les larmes ne demandent qu’à surgir de nouveau, mais je me contrôle pour ne pas m'effondrer devant ma fille, alors je m'accroupi à son niveau.
- Ma puce, parfois les adultes font des choses que les enfants ne peuvent pas comprendre. Et il est temps que maman pense un peu à elle !
Elle hoche la tête puis embrasse ma joue avant de partir en direction du salon pour mettre les dessins animés.
Ryan revient de la salle de bain, il me regarde et je le connais assez pour savoir qu’il a de la peine, mais c’est comme ça que ça fonctionne, on ne récolte que ce que l’on sème.
Je me sers une tasse de café avant de retourner dans notre chambre, je me saisis de mon portable et je commence à chercher un bien. J’ai besoin de distance, besoin de calme, besoin de me retrouver.
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Vendredi 9 Novembre
J’ai visité des biens tous les jours de la semaine, je suis lessivée, plus mentalement que physiquement. Tout ce que j’ai vu était soit vraiment trop loin et de l’école et de la librairie, soit trop petit, trop moche, trop insalubre. Je désespère de quitter cette maison.
Il me prend vraiment pour la dernière des idiotes, maintenant qu’il pourrait la rejoindre sans avoir à se justifier, Ryan rentre à la maison tôt et ne disparaît plus inopinément. Il cherche à parler avec moi, mais je l’ignore, sauf si Orlane est là alors je tente de rester courtoise.- Salut !
Je ne réponds rien et continue de boire mon café. Ryan se sert une tasse.
- J’imagine que tu n’iras pas chercher mes costumes aujourd’hui.
Est-ce qu’il y a écrit pigeonne sur ma tête ? Je le regarde, l’air mauvais.
- Si je récupère tes costumes, c’est pour en faire des chiffons, tu n’as qu’à demander ça à ta nouvelle petite amie.
Le ton sec qui sort de ma bouche lui cloue le bec. Je préfère quitter la cuisine et laisser ma tasse que rester une minute de plus avec cet imbécile.
- Lexie, attends !
- Quoi ?
- Tu… tu as déjà trouvé un logement ?
- Qu’est-ce que ça peut te faire, tu ne sauras que ce que je veux bien te dire.
- Lexie, c’est puéril cette attitude !
- Ce qui est puéril, c’est de coucher avec une femme dans mon dos plutôt que de mettre les choses à plat avec la mère de ta fille.
Excédée, je m’enferme dans la salle de bain. Je dois quitter cet endroit au plus vite, j’étouffe en sa présence. Pendant ma douche de nouvelles annonces sont postées, mais rien ne me plaît. Un jour comme les autres se profile à l’horizon.
Samedi 10 Novembre
Ce week-end-là, Ryan s’est enfin décidé à foutre le camp pour me laisser tranquille. La femme est soulagée qu’il soit loin d’elle, mais l’adolescente regrette son amour de jeunesse. Et si je n’arrivais jamais à tourner la page ? Si je n’arrivais jamais à m’y faire ? Si Ryan allait hanter mes pensées pour le restant de mes jours ?
- Maman ! T’as vu, je suis une pirate !!
Au parc avec ma fille, je veille au grain et la regarde faire le pitre avec d’autres enfants. Le tintement de mon portable retentit signalant l’arrivée d’un mail, je regarde et le lis. Il vient de chez “Adopte une nounou”, Ilda Orlowski n’assurera plus son poste à partir de mercredi prochain, génial. Blablabla, pour assurer notre contrat, Andrea Moretti se verra prendre sa place. Ouf.
- Tu fais quoi maman ?
- Tu vas changer de nounou mercredi !
- Encore une vieille dame ?
- Je ne sais pas chérie, Andrea, c’est un prénom de jeune fille ça !
- Ah, trop cool, peut-être que je pourrais jouer avec elle du coup !
- J’en serais ravie mon ange.
- Je voudrais goûter, on rentre ?
- Allons-y !
Lundi 12 Novembre
Lundi, comme chaque jour de semaine, je réveille Orlane, je la prépare et la dépose à l’école puis je file à la librairie.
On est loin de mes études, mais la lecture prend beaucoup de place dans ma vie, alors ici, je suis comme à la maison. L’odeur des vieux livres, l’ambiance cosy et cocoon de cette boutique me fait me sentir vivante et utile surtout.
Si Ryan pense que sans lui, je ne suis rien, il va être drôlement surpris de se rendre compte que je n’ai pas besoin de sa présence dans ma vie, par contre lui, sans femme… Pauvre Olivia, elle ne sait pas ce qu’elle récupère.
La vibration dans ma poche me sort de mes pensées avant que mes yeux ne décident de laisser échapper des gouttes le long de mes joues. Deux nouvelles annonces en ligne, je clique et regarde, le premier bien n’a pas l’air bien agencé et le deuxième… le jardin est somptueux, l’intérieur est clair, à l’air plus que propre et deux grandes bibliothèques attendent d’être remplies de livres dans le salon. C’est cette maison que je veux, le loyer n’est pas trop cher et elle n’as pas l’air très loin de tout.Si j’attends ma pause, j’ai peur que cette petite pépite disparaisse de mes favoris. Ni une, ni deux, j’envoie un message et l’annonceur me propose de passer voir la maison ce soir après le boulot. Heureusement, je sais que Madame Orlowski sera là pour garder Orlane jusqu’à ce que je rentre.
Je bouillonne d’impatience toute la journée, alors que j’adore cet endroit, j’ai tellement hâte de visiter ce qui pourrait être mon nouveau chez-moi que je me languis la fin de la journée. Évidemment, c’est comme si ce moment ne venait jamais. Monsieur Georges, le libraire qui m’embauche, me voit danser d’un pied sur l’autre.- Vous êtes bien nerveuse ces derniers temps mon petit.
- Ça se voit tant que ça ?
- Vous êtes fatiguée, avec toute ma sagesse, je dirais qu’il s’agit d’un homme ?
- Malheureusement.
- Ne vous inquiétez pas ma mignonne, vous êtes jolie comme un cœur, pas de doute que vous retrouviez l’amour !
- Je crois que l’amour ce n’est pas fait pour moi !
Une petite tape sur mon épaule et Monsieur Georges disparaît derrière une allée de livres sur la mythologie ancienne.
L’horloge tourne jusqu’à vingt heures, enfin libérée. Je salue le libraire, monte dans ma voiture et roule en direction de Pleasant Park.
Dès que je me gare, je tombe amoureuse de l’endroit. L’agent immobilier m’attend sur le palier, je la rejoins rapidement et la suis de pièce en pièce. Une entrée cocoon, il y a même une niche pour chien intégré sous l’escalier. Un salon agréable et lumineux avec les fameuses bibliothèques qui restent là et une sublime cheminée. Dans la continuité une cuisine attenante à une salle à manger spacieuse. Une chambre pour moi au rez-de-chaussée, ni trop grande, ni trop petite, avec une salle de bain tout à côté. Une autre pièce, parfaite pour y installer mon bureau. C’est presque trop grand pour Orlane et moi, mais je ne vais pas cracher dessus.
À l’étage, de quoi faire une chambre d'ami, une plus grande pour Orlane et elle pourra même avoir sa propre salle de bain. Il y a même une pièce en trop, je finirais bien par lui trouver une utilité ! Et nous finissons dans le jardin qui cache un bel espace pour l’été avec une petite piscine, Orlane va être folle de joie.- Je la prends !
- Bien, très bien ! Allons remplir les papiers !
Je suis excitée à l’idée de dire ça à Orlane, quand j’arrive à la maison, la voiture de Ryan n’est pas dans l’allée. Soit il l’a mise dans le garage, soit il n’est pas rentré.
C’est avec douceur que j’ouvre la porte, la masse imposante à la chevelure foncée ne ressemble en rien à Madame Orlowski. J’allume la lumière en plein.- Bon dieu, qui êtes-vous ?
Je crois bien que je lui ai fait peur, car il sursaute avant de se lever.
- Bonsoir ! Je suis Andrea Moretti !
Bon sang, ce mec à les épaules tellement larges qu’il pourrait serrer dans ses bras deux femmes, il est aussi grand que Ryan, ses cheveux ébouriffés, couleur ébène, brillent à la lumière et ses yeux noisette pétillent. À sa façon de rouler les R, je devine qu’il est italien. Ce n’est pas vraiment le look typique d’une nounou.
- Andrea, ce n’est pas un prénom féminin ça ? Pourquoi vous n’êtes pas une femme ?
L’intrus planté au milieu de mon salon s’esclaffe. Ce que je viens de dire est totalement idiot.
- C’est une bonne question ! Il faudra voir ça avec ma mamma ! Chez nous en Italie, Andrea, c’est aussi un prénom d’homme !
- Désolé, c’est moi qui suis stupide. Madame Orlowski ne devait pas arrêter mercredi ?
- Si, mais j’ai préféré prendre le poste au plus vite, j’espère que ce n’est pas un problème pour vous ?
- Non, non, c’est juste que…
- Cela vous dérange que je sois un homme.
- Non, bien sûr que non.
Bien sûr que si, quelle mère voudrait laisser son enfant avec une nounou qui ressemble à un G.I Joe ? Pas moi en tout cas. Ce site va vite me renvoyer quelqu’un de sexe féminin fait pour ce boulot.
- Orlane est une petite fille vraiment charmante.
- Oui, on me le dit souvent.
- Je vais vous laisser, je pensais que votre mari allait rentrer plus tôt.
- Ex-compagnon. Il semblerait qu’il ne rentre pas ce soir. Merci de vous être occupé d’Orlane.
- À demain, Madame Foster.
- Monsieur Moretti.
Monsieur muscles disparaît derrière la porte d’entrée. Andrea Moretti. Et dire que je pensais que ce devait être une gentille et jolie petite femme, on était vraiment très loin de ce à quoi je m’attendais. Où sont-ils allés me chercher cette idée de m’envoyer ce genre d’individu ?
Je ferme la porte à clef et je vais manger un morceau avant d’aller m’écrouler dans mon lit.Mardi 13 Novembre
Au petit matin, c’est Orlane qui vient me réveiller.
- Maman !!!! T’as bien dormi ?
- Salut toi ! Bien et toi ?
- Trop bien ! Il est où papa ?
“Chez sa maîtresse” n’est pas une réponse acceptable à donner à une petite fille de sept ans et demi.
- Il est certainement déjà parti travailler mon cœur.
- Ah ! T’as vu ma nouvelle nounou ?
- Oui, mais je vais demander à ce qu’on nous envoie une femme, qu’est-ce que t’en penses ?
- Quoi ? Non, maman !! Andrea est trop bien ! Tu l’as vu, il parle italien et il a pleins de muscles !
Est-ce que cette petite en face de moi a vraiment l’âge que je viens de citer plus haut ?
- Orlane !
- Mais quoi maman ? Je te jure il est trop fort, moi, je veux qu’il m’apprenne à parler italien ! On peut le garder s’il te plaît maman ??
Ses yeux de cockers me font fondre. Je pouffe de rire, j’ai l’impression qu’elle veut adopter un animal de compagnie. Alors je cède, comme souvent avec cette petite peste, mais à la moindre erreur, Monsieur Moretti, vous aurez à faire à moi.
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Mardi 13 Novembre
Pendant le petit-déjeuner, je m’attable avec Orlane. Elle boit son chocolat et mange son croissant tranquillement. C’est le moment de lui dire que nous allons déménager.
- Ma chérie, maman a trouvé une maison ! Tu vas l’adorer.
- Une autre maison, papa va venir avec nous ?
- Non, Orlane, nous allons dans cette nouvelle maison, papa va rester ici, tu viendras chez papa pendant les vacances et les week-ends.
Elle me regarde sans dire un mot, je ne sais pas trop ce qu’elle pense, je croyais qu’elle avait bien compris le fait qu’on se sépare, mais cela ne devait pas être tout à fait clair dans son esprit.
- Il y a une grande chambre pour toi et une petite piscine dans le jardin !
- Je pourrais me baigner quand il fera beau ?
- Oui ! Je vais m’occuper de tout déménager pendant que tu seras en vacances chez mamie !
- Cool !
Un silence s'installe en cuisine pendant que nous finissons. Sur le point de partir pour l’école, Orlane m’interpelle.
- Maman ? C’est parce que papa t’a fait pleurer l’autre soir que tu l’aimes plus ?
Comme un violent coup de poing au cœur, je m’arrête de respirer, je sais très bien de quel soir elle parle, celui où ivre, Ryan m’avait penché sur le dossier du canapé. À moitié endormie, je pensais qu’elle avait oublié cet épisode, mais visiblement, ce n’était pas le cas.
Je n’ai pas envie d’être trop honnête avec Orlane, ce n’est qu’une enfant et je ne veux pas qu’elle voie son père comme l'infâme goujat qu’il est.- Mon cœur, papa et moi, on ne peut plus rester ensemble, parce qu’on voit la vie différemment. Il ne vivra plus avec nous, mais ce sera toujours ton papa, rien ne va changer pour toi, tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour le reste, d’accord ?
Un moment de silence et un “d’accord” incertain sort de sa bouche. J’espère réellement qu’elle arrivera à se faire à la situation, car je ne pourrais jamais plus faire semblant avec Ryan.
L’heure tardive qu’il est quand j’arrive ce soir, me fait compter sur la présence de Ryan, mais il n’en n’est rien. La lumière de la maison est allumée, je rentre et trouve Orlane et sa nounou sur le canapé devant un dessin animé.
- Bonsoir !
- Buona sera mamma !
Orlane m'accueille d’un chaleureux câlin et se met à parler italien. Je salue le grand brun qui garde ma fille.
- Monsieur Moretti !
- Madame Foster !
- T’as vu maman, je sais parler italien comme Andrea !!
- Je vois ça ma puce, et comment ça se fait que tu sois encore debout ?
- C’est de ma faute, elle voulait vous voir avant d’aller se coucher.
Irritée à cause de Ryan, je m’en veux un peu d’avoir était aussi tranchante dans ma question. Je souris à la nounou et câline ma fille de plus belle. Son odeur de petite fille m’apaise.
- Tu devrais aller te coucher principessa, demain nous avons un programme d’activité chargé !
- Oh oui, maman, Andrea va m'emmener faire du poney, c’est trop bien !
Elle saute de mes bras et file comme une fusée dans sa chambre en criant un “bonne nuit”, Andrea la suit automatiquement, alors je me dirige dans la cuisine et me sers un verre d’eau que je descends d’une traite. Je ne peux m’empêcher de penser à Ryan.
- J’espère que vous ne m’en voudrez pas d’avoir laissé Orlane veiller tard ?
Sa voix grave dans mon dos me cause un sursaut qui me fait valser le verre d’eau de l'îlot central.
- Cazzo ! Je suis désolé, je ne voulais pas vous effrayer.
- Non, c’est moi, je… Aïe !
En ramassant ces foutus morceaux de verres au sol, maladroite, comme souvent dirait Ryan, je m’entaille la paume de la main. Le sang ne tarde pas à couler de plus belle et je mentirais si je disais que je ne suis pas à deux doigts de tourner de l’œil.
En examinant ma coupure Monsieur Moretti s’exclame dans sa langue natale, je le regarde ébahie avant d’exploser de rire.- Oh ! J’ai recommencé à parler italien ? Je suis désolé.
- Ce n’est pas grave ! Mais je n’ai absolument rien compris !
- Je me maudissais, je vais vous soigner ça.
- Non, ce n’est pas la peine, il est déjà tard en plus.
- Ne vous inquiétez pas pour ça.
Bien sûr que je m’inquiète, s’il fait des heures supplémentaires tous les soirs, ça va finir par me coûter les yeux de la tête. Mais je n’ai pas le temps de riposter qu’il a déjà recouvert la plaie d’un chiffon, je lui indique où trouver les pansements et il désinfecte et bande l’entaille avec délicatesse. Pour une fois que quelqu’un s’occupe de moi, je me sens détendue.
- Merci, vous n’étiez vraiment pas obligé, c’est moi qui suis maladroite… comme la plupart du temps.
Son regard perçant sonde mes iris, c’est comme s’il essayait de lire en moi et la mine désapprobatrice qu’il affiche m’indique que ce qu’il a vu ne lui a pas plus. Je baisse les yeux face à sa moue.
- Vous devriez rentrer chez vous maintenant, merci pour tout. Bonne nuit Monsieur Moretti.
- Bonne nuit Madame Foster.
Je claque la porte et me laisse aller à souffler un moment. Je finis de ramasser le verre qui reste au sol et décide d’aller me coucher sans manger.
Mercredi 14 Novembre
Cette fichue blessure me démange et me brûle la main toute la journée, se rajoute à ça une migraine carabinée. Je crois que Monsieur Georges a eu pitié de moi et m’a laissé repartir beaucoup plus tôt aujourd’hui. Quand je passe la porte, il est à peine plus de dix-huit heures. La maison est déserte et j’entends le bruit d’un moteur devant, j’ai la désagréable surprise de voir Ryan passer la porte à son tour.
- Ryan ? Qu’est-ce que tu fais là ?
- J’habite ici, il me semble ?
- Ça fait des jours que tu n’es pas rentré.
- Tu m’as bien fait comprendre que je pouvais vaquer à mes occupations, donc c’est ce que je fais. Où est Orlane ?
- Je n’en sais rien, probablement avec sa nounou.
- Comment ça tu n’en sais rien ? Appelle-là et demande lui où est-ce qu’elles sont.
- Je n’ai pas son numéro.
- T’es complètement inconsciente, tu laisses notre fille avec une inconnue.
La fureur de Ryan se lit dans ses yeux, et comme chaque fois, il me fout les jetons alors je recule.
- Calme-toi, Ryan, c’est une nounou, tu es vraiment parano.
- Lexie, tu ne sais rien, tais-toi.
Qu’est-ce que je ne sais pas ? Qu’est-ce que cache encore Ryan ? Ce que je sais, c’est qu’avec la carrure de G.I. Joe de Monsieur Moretti, je la sais plus en sécurité qu’avec la pauvre Madame Orlowski. Coupés dans la dispute qui est en train d’éclater entre nous, la porte s’ouvre à nouveau laissant passer notre petite grenouille suivi de son garde du corps. La tête de Ryan à la vu de la nounou me fait sourire intérieurement.
- Papa !!!!!
- Salut la puce !
Monsieur Moretti laisse passer son regard de Ryan à moi et ses sourcils, froncés à ma vue, me font me demander ce qu’il a bien contre moi encore, entre sa mine désapprobatrice d’hier soir et cette moue dégoûtée, je suis très proche de sortir de mes gonds. Il s’approche de Ryan, la main tendue.
- Monsieur ! Je suis Andrea Moretti, la nounou de votre fille.
Mon ex lui tend la sienne et la poignée de mains qu’ils se livrent me laisse perplexe, la main de Ryan blanchie sous la pression de celle de notre nounou.
- Je vais vous laisser, bonsoir.
Une attention particulière pour Orlane, Andrea Moretti quitte notre demeure. Ryan me jette un regard qui désapprouve totalement mon choix de nounou.
- Un homme ?
- Et alors ? La garde d’enfant n’est pas réservée exclusivement à un public féminin, Ryan, vit avec ton temps.
- Papa ! J’ai fait du poney aujourd’hui avec Andrea, c’était trop bien ! Et même que je suis montée sur Tempête ! Tu crois que je pourrais avoir un poney moi ?
- Ma chérie, tu sais bien qu’on ne peut pas, mais je serais ravi de t’amener faire du poney moi aussi !
- Ah oui !? Merci papa !
Ryan serait-il jaloux ? Orlane disparaît dans sa chambre et je vais faire réchauffer le dîner. J’entends les pas de ses chaussures dans mon dos.
- J’ai trouvé un logement, je déménagerai la semaine prochaine pendant qu’Orlane sera chez mes parents.
- D’accord.
Et c’est tout, un simple “d’accord” en guise de réponse, alors que j’ai partagé douze foutues années de ma vie avec lui. Je soupire, mais décide de ne pas m’arrêter à ça, je vaux mieux que lui.
- Tu voudras que je t’aide à déménager ?
- Non, ne t’en fais pas, Juliet va m’aider.
Il me pose quand même la question que j’attendais, et je suis heureuse de le rembarrer, je n’ai pas besoin de lui. Je préfère être en galère et y passer des jours plutôt que lui demander quoi que ce soit.
- Comme tu voudras. Tu pars avec quels meubles ?
- Très peu, rassure-toi, juste mes affaires et pour le reste, je me débrouille.
- Lexie, ne sois pas idiote, tu ne peux pas racheter tous tes meubles ?
- Mais si, je ne veux rien d’ici, rien qui me rappelle toi.
- C’est idiot, tu ne pourras jamais le faire…
- Détrompe-toi Ryan, je vais me débrouiller toute seule comme une grande, je ne veux rien te devoir. Et même si ça doit me prendre des mois pour avoir une maison conviviale, je l’aurais fait sans l’aide de personne.
Son visage contrarié m'électrise, je sais que je l’ai blessé dans son ego, Ryan aime beaucoup que je lui sois redevable. Et il vient de se rendre compte qu’il n’a plus aucun pouvoir sur moi désormais. Je fais ma vie, mes choix et il n’a plus rien à dire.
Sans un regard pour lui, je me rends dans la salle de bain, une pensée traverse mon esprit de façon soudaine et imprévue. Dans quoi Ryan trempe-t-il ?
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Vendredi 16 Novembre
J’appréhende l’arrivée de ma mère ce soir. Je ne lui ai pas dit que nous nous séparions et j’ai comme le sentiment, que comme d’habitude, elle va désapprouver mon choix. Hier soir, je voulais discuter avec Monsieur Moretti de la semaine prochaine et de mon changement d’adresse, mais Ryan était rentré avant moi et l’avait congédié. Ce matin, j’ai bien dit à Orlane de ne pas oublier de le prévenir de m’attendre pour que je discute avec lui, mais à mon arrivée, la voiture de Ryan et de ma mère sont devant la maison.
- Madame Foster !
Je me retourne vivement, le grand brun se tient près de sa voiture, stationnée de l’autre côté de la rue, il traverse avec de grandes enjambées et se retrouve tout à côté de moi.
- Monsieur Moretti !
- Vous vouliez me parler ?
- Oui ! Orlane à bien fait passer le message ! J’avais peur que Ryan vous ai chassé avant que j’arrive !
- C’est un peu ce qu’il s’est passé ! J’ai préféré attendre dehors ! Un souci ?
- Non, mais Orlane sera chez mes parents la semaine prochaine et nous allons déménager, j’espère que vous allez nous suivre.
- Certo ! Prenez mon numéro, envoyez-moi votre adresse et n’hésitez pas à m'appeler si vous avez besoin de moi !
- Merci, c’est gentil.
Je lui tends mon téléphone où il entre son numéro rapidement avant de me le redonner.
- Bonne soirée, Madame Foster.
- À vous aussi Monsieur Moretti.
Il regagne sa voiture et file en vitesse comme un train sous la manche. Je respire un moment et entre dans la maison.
À peine rentrée, je sens les regards sur moi, je me sens comme le vilain petit canard. Je ne sais pas ce que Ryan et ma mère se sont dit durant mon absence, mais je vais encore passer pour la méchante. J’embrasse la femme critique qui se trouve au milieu de mon salon et ignore le con qui se trouve en face d’elle.
- Bonsoir maman !
- On se demandait si tu allais rentrer un jour !
- Pour une fois que Ryan rentre tôt, tu as eu de la chance, maman !
- En fait, c’est ta nounou qui m’a ouvert. Un homme Lexie ? C’est faire une place au diable sous son toit.
- Maman ! On est plus dans les années cinquante. Andréa est là depuis une semaine et il est très bien, Orlane s’amuse avec lui.
- Tu l’appelles par son prénom en plus, on ne fait pas de familiarité avec le petit personnel, chérie.
- Maman, ce n’est pas mon esclave, mais ma nounou !
Je lève les yeux au ciel, de quoi j'me mêle en plus de ça ? Je décide encore qui garde ma fille ou non. Un regard sur Ryan qui approuve ses paroles.
- Va aider Orlane à boucler ses affaires, je dois parler à ma mère.
Sans un mot, il se lève et retrouve Orlane dans sa chambre.
- Ryan t’a informé ?
- Que tu jetais douze ans de votre vie à la poubelle, oui.
- Que je jetais ? C’est la meilleure ça, c’est lui qui couche avec sa secrétaire.
- C’est un homme, tu t’attendais à quoi ? Ryan a une bonne situation, tu fais une erreur en le quittant.
- Alors on ne doit pas faire de familiarité avec le petit personnel, mais on peut baiser sa secrétaire ?
- Lexie, il a des responsabilités, il n’est pas anodin qu’il ait envie de passer du bon temps hors de son foyer.
Non mais on marche sur la tête ? Est-ce qu’elle est consciente de ce qu’elle vient de dire ? Ce n’est pas parce que mon père lui a mené la vie dure que je dois me laisser faire aussi.
- Maman, mais tu dérailles, j’en ai rien à foutre qu’il ait une bonne situation et qu’il ait des responsabilités, il est hors de question que je reste avec lui.
- Tu t’en mordras les doigts ma chérie.
- Je ne crois pas.
Ma fille me sauve de cette discussion sans queue ni tête. Son père la suit avec ses bagages. Orlane me serre très fort dans ses petits bras.
- Tu vas me manquer maman !
- Toi aussi ma chérie, et on se retrouve la semaine prochaine dans notre nouvelle maison.
Je suis triste de laisser Orlane partir, mais ça va me faire le plus grand bien et a elle aussi, loin de toute cette merde, car j’ai beau essayé d’être courtoise avec Ryan en sa présence, les enfants ressentent tout et ce n’est certainement pas l’ambiance négative de la maison qui va faire d’elle une enfant épanouie.
Après leur départ, j’ai commencé à faire tous les cartons de tout ce que je vais emporter. D’abord dans la chambre d’Orlane, je trie, ce qui reste ici et ce que j’amène et ensuite dans la chambre et la salle de bain. Le tour est vite fait, je ne veux rien amener de trop gros qui m'évoque des souvenirs.
Je charge les cartons d’Orlane dans mon coffre. J’irais déposer tout ça demain. Ma première mission étant de me trouver un lit demain, le reste suivra doucement, mais sûrement !
Dimanche 18 NovembreDimanche, je rejoins ma nouvelle maison et y attends Juliet. J’ai trouvé tout un tas de trucs d’occasions. Je dois installer tout ça avec ma meilleure amie qui arrive justement.
- Salut la moche !
- Salut la fouine !
- T’es prête à te muscler ?
- Ouep ! Mais pourquoi t’as pas demandé à G.I Joe de venir ?
- C’est ma nounou Juliet, je ne vais pas en plus le réquisitionner pour jouer les déménageurs !
- Ben si !
- Allez, arrête de parler et décharge !
Juliet me fait la caricature du « Girl power » avant de s’emparer d’un des cartons. Je pensais ne pas avoir grand-chose, mais en fait j’ai surtout beaucoup de livres !
Nous sommes là depuis au moins deux bonnes heures, mais nous passons beaucoup de temps à rigoler comme des idiotes, donc le boulot n’avance pas très vite ! Juliet s’attelle à monter mon lit pendant que je finis de prendre les cartons restant.
J’ai mal au dos, mal aux pieds et j’ai faim par-dessus le marché.- Laissez-moi prendre ça !
Cette voix grave et ce ton de voix particulièrement italien me font presque trébucher.
- Monsieur Moretti ! Que faites-vous ici ?
- Vous m’avez demandé de venir !
- Je ne vous ai jamais rien demandé…
- Votre sms disait « besoin urgent bricoleur » pourtant !
J’éclate de rire, surtout par nervosité !
- Désolée, mais je n’ai jamais envoyé cela, je…
Où est passé mon téléphone ? Oh la garce, elle a fait ça !
- Je suis confuse, c’est certainement une blague de mauvais goût de mon amie !
Sur ceci, Juliet apparaît, l’air de rien.
- Ah ben le voilà ton fameux G.I Joe !
- Juliet ! Bon sang !
Andrea ne pipe pas mot et rentre poser le carton qu’il m’a volé. Puis il revient vers Juliet.
- Enchanté, je suis Andrea Moretti !
- Et moi Juliet ! J’espère que vous êtes doué avec vos doigts, le bricolage ce n’est pas notre truc !
Son rire résonne dans la pièce vide et il suit Juliet jusque dans ma chambre puis elle revient vers moi.
- Dis-moi, t’avais pas précisé qu’elle était super canon ta nounou !
- Bon dieu Juliet, pourquoi tu l’as appelé ?
- J’arrivais pas à monter ton satané truc ! Et regarde-le, il est bourré de muscles ! C’est un boulot de mec ça ! Pas d’une gérante de café ma poule !
Je la regarde, l’air assassin, mais en même temps est-ce que je peux lui en vouloir ?
- Je peux ranger ta vaisselle par contre !
Son sourire idiot, elle s’éclipse dans ma cuisine et déballe les cartons. Je me concentre sur les cartons restant dans la voiture et à monter ceux d’Orlane.
Andrea s’empare inopinément d’un carton dans mes mains.- Je peux très bien le monter moi-même, je n’ai pas besoin qu’un mec se vante de venir à mon secours encore.
Ni une, ni deux, le carton se retrouve dans mes bras et le tas de muscles disparaît dans la chambre d’Orlane pour monter son lit. Je m’en veux instantanément. Pourquoi me suis-je montré aussi désagréable, il est venu m’aider alors qu’il me connaît à peine et moi, je joue les mégères. Je préfère m’enfermer dans mon mutisme quotidien et continue de déménager.
En fin de journée, harassés, nous nous installons au sol dans le salon, il faudra que je trouve un canapé dans la semaine.- Ma poule, c’est que t’en avait des choses !
- Ouais, au bout de douze ans, on en accumule !
Le portable de Juliet retentit dans la pièce pratiquement vide. Elle décroche tout à côté de nous, Andrea est toujours silencieux, son regard perdu ne tombe pas sur moi.
- Ma poule, je vais devoir partir ! J’ai un date ce soir et ça promet d’être chaud, faut que j’aille me préparer !
Gênée des propos de ma meilleure amie devant ma nounou, je rougis, cette nana n’a aucun tact. On se relève et je prends Juliet dans mes bras et la remercie chaleureusement de m’avoir aidé puis elle se dirige vers l’homme.
- À bientôt G.I. Joe !
- Ce fut un plaisir Juliet !
Elle s’éclipse, me laissant seule avec ce tas de muscles au cœur de mon petit salon.
- Je vais vous laisser.
- Je vous remercie d’être venu, surtout que le message de Juliet n’était pas très avenant. Si j’avais reçu ça, j’aurais piqué un fard !
Son rire grave rebondit et résonne dans ma cage thoracique.
- Je suis désolée… pour ce que j’ai dit tout à l’heure, je ne le pensais pas…
- Si vous le pensiez ! Mais je ne vous en veux pas !
- C’est juste que… avec Ryan… enfin…
- Ne vous inquiétez pas pour moi.
Son ton tranchant et son regard sombre sur moi, j’ai encore l’impression d’avoir mis les pieds dans le plat. Il me tend sa main et me souhaite une bonne nuit avant de s’évanouir dans la nature.
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Dimanche 18 Novembre
C’est ma première nuit dans cette maison vide. Je me sens terriblement seule, le silence de la maison est pesant et pour couronner le tout, le vent qui souffle à l’extérieur provoque des bruits étranges qui me foutent la pétoche.
Je regrette d’avoir voulu dormir ici cette nuit plutôt que de rentrer à mon ancien domicile, mais j’étais vraiment épuisée.
Dans ces conditions, j’aurais appelé Juliet, mais là elle doit être en super compagnie, malheureusement pour moi.
Je n’arrive toujours pas à croire que cette garce ait envoyé un message à Andrea, mais ce qui m’étonne encore plus, c’est qu’il soit venu m’aider. Garder Orlane est amplement suffisant, je n’ai pas envie de sa pitié.Lundi 19 Novembre
Rattrapée par ma journée éprouvante, je tombe de fatigue en un rien de temps. Si bien que j’oublie de brancher mon téléphone avant. C’est donc à l’heure de partir que je décide de me réveiller.
- Oh putain de merde !
Je vais être à la bourre. Je saute du lit comme s’il était aussi brûlant que du magma et me jette sous la douche. L’eau froide me gèle de la tête aux pieds. Je m’habille en quatrième vitesse, mais j’arriverai quoi qu’il arrive en retard.
Essoufflée, je marche rapidement jusqu’à la librairie où Monsieur Georges est en train de parler d’Œdipe avec une élève de lycée. Il me lance un coup d’œil puis continue de parler. C’est plus tard qu’il vient à ma rencontre.- Il ne faut pas courir comme ça mon petit ! Ce n’est pas bon pour le cœur !
- Je suis confuse, je me suis levée en retard.
- Oh, vous vous en faites bien pour si peu ma jolie !
Une petite tape sur le revers de ma main et un sourire amical, je me dis à quel point j’ai de la chance d’être ici.
Je profite de ma pause ce midi pour rejoindre ma meilleure amie chez elle. Ce qui est pratique pour elle puisque son appartement se trouve juste au-dessus de son café. Je me demande encore comment cet endroit peut être aussi banal alors qu’elle est complètement déjantée et délurée ? En entrant ici, on pense découvrir une jolie petite blonde très timide, alors que Juliet est tout le contraire. Si je disais le diable en personne, je ne serais pas loin de la vérité ! Je lui apporte un sandwich pour que nous puissions déjeuner ensemble.
À mon arrivée, je frappe doucement à la porte. Mon amie ouvre et me prend dans ses bras si fort que je vais mourir asphyxiée !
- Comme c’est bon de te voir !
- On s'est vu hier Juliet !
- Je sais et alors !!!
Je lève les yeux au ciel, mais j’adore cette fille. Elle et moi, on se côtoie depuis maintenant trois ans. Je suis entrée dans ce petit café un jour où Ryan m’avait posé un lapin au déjeuner, on a discuté et puis nous voilà aujourd’hui. Juliet et moi sommes vraiment deux opposés et c’est justement ce qui fait que nous nous entendons bien !
- Alors ton rendez-vous hier soir ?
- Oh pitié, je voudrais oublier ça !
- C’était si nul ?
- C’était horrible ! Je pensais que ce serait un chaud lapin, mais c’était juste un lapin si tu vois ce que je veux dire !
Je manque de m’étouffer tellement je ris. Ses déboires en termes de relation amoureuse m’ont toujours fascinée ! Juliet ne se laisse jamais abattre.
- Ne ris pas de mon malheur, sale garce ! Dis-moi plutôt comment s’est finie la soirée avec G.I Joe ?!
Elle lève un sourcil sournoisement tandis que je lève les épaules.
- Il est parti après toi.
- Quoi ? Non ? Sérieusement Lexie ! Toute une éducation à revoir !
- C’est ma nounou ! Et je le connais depuis une semaine ! Tu veux qu’il se passe quoi ?
- Que tu tires un coup ! T’en a besoin ma grande.
Je secoue vivement la tête, Juliet est vraiment trop portée sur la chose parfois, s’en est même gênant.
- Hors de question ! T’es vraiment malade !
- Ok, si c’est pas lui trouves toi quelqu’un d’autre, il faut que tu vives !
- Je ne suis vraiment pas prête à faire ça…
Un regard compatissant, mais quand même un regard jugeur, Juliet tapote ma joue amicalement. Je n’ai pas le courage de lui dire que je ne compte pas me remettre à chercher quelqu’un. À quoi bon ? Pour souffrir ? Je préfère rester seule, au moins je ne risque pas d’avoir le cœur brisé à nouveau.
Samedi 24 Novembre
Comme un mirage, la semaine est passée à une vitesse folle. Ma mère a déposé Orlane hier soir, comme à son habitude, elle n’a pu s’empêcher de faire des commentaires sur tout. La maison n’est pas à son goût, trop ceci, pas assez cela… heureusement c’est moi qui vis ici et pas elle. Orlane a semblé apprécier notre nouvelle demeure aussi, donc je suis plutôt contente.
- Bien dormi mon cœur ?
- Oui ! J’adore cette nouvelle chambre, je peux mettre de la décoration sur les murs ?
- Oui, mais tout d’abord, tu dois venir me faire un bisou et manger !
Sa chevelure blonde bouge en mouvement avec ses pas alors qu’elle s’approche pour me prendre dans ses bras et m’embrasser.
Moi au salon à bouquiner, Orlane dans sa chambre à s’approprier le lieu, nous passons la matinée au calme.Après le repas, je décide de l'emmener faire une balade. Prendre l’air toutes les deux nous feras le plus grand bien. Surtout qu’il fait beau et les gens sont dehors aujourd’hui.
- Maman, on fait des crêpes pour le goûter ?
- Pourquoi pas !
Il en faut peu pour rendre Orlane heureuse. Elle pique un sprint devant moi tandis que je marche à mon rythme.
Cette boule de poil blanc et marron aux allures de molosses qui fonce sur ma fille me fait hurler.- Orlane !!!! Fais attention !!
Mon cœur s’affole, mais il s’arrête à côté d’elle, Orlane le caresse.
- Ne touche pas un chien que tu ne connais pas Orlane, en particulier quand ils ont une tête comme celui-là.
- Qu’est-ce qu’elle a sa tête ? Il est trop mignon, regarde !
Mignon ? Elle trouve cette chose mignonne ?
- Allez, file de là, va retrouver ton maître !
- Il est peut-être tout seul, maman ! On peut le garder ?
- C’est hors…
- Ryuk ! Vieni ! Subito !
Le chien détale aussi vite qu’il est venu vers son propriétaire que je reconnais sans lever les yeux.
- Andrea !!!!
Orlane lui saute au cou, comme si elle ne l’avait pas vu depuis des siècles et surtout comme s’il était quelqu’un d’important pour elle.
- Buongiorno principessa ! Madame Foster !
- Monsieur Moretti.
- Mi dispiace ! Désolé qu’il vous ait fait peur.
- La laisse n’est pas une option surtout avec un chien comme le vôtre.
- Ryuk n’est pas méchant au contraire. Il n’y a pas de mauvais chiens, que de mauvais maîtres !
- Moi, j’adore ton chien Andrea !!
Orlane le papouille et cette chose lui fait des léchouilles, c’est répugnant.
- On va faire des crêpes avec maman pour le goûter ! Tu viens ?
- Orlane ! Monsieur Moretti a sûrement des choses à faire !
Elle l’invite de but en blanc, elle va tout me faire cette petite.
- Pas spécialement ! Mais je pense que ta maman a envie d’être tranquille avec toi !
Heureusement, il décline son offre.
- Maman !!! S’il te plaît ! Je pourrais jouer avec Ryuk dans le jardin !
- Non Orlane ! Il va tout saccager.
Le regard que me lancent le grand brun et la petite blonde en face de moi manque de me faire partir en courant.
- Maman ! Mais non !
Je connais si bien ma fille que je vois les larmes poindre au bord de ses grands yeux de biche.
- Principessa, ce n’est pas grave…
- Tu me fais pleurer comme quand papa te fait pleurer et c’est méchant.
- Orlane !
Je ne sais plus où me mettre, c’est une gifle gratuite que je viens de me prendre. Les bras m’en tombent, je n’entends plus rien à part cette remarque de ma fille, devant un homme que l’on connaît à peine. J’ai complètement déconnecté.
- Madame Foster ?
- Quoi ?
- Ça va ? Je vais vous raccompagner.
- D’accord.
- Super !!!
Comment je peux en vouloir à ma fille de sept ans et demi d’avoir eu de tels propos, la vérité ne sort-elle pas de la bouche des enfants ?
Je me retrouve un instant plus tard dans ma maison. Orlane joue dehors avec le chien et Monsieur Moretti est près de moi.- Je m’excuse.
Je pars dans la salle de bain et je craque. Je me mets à pleurer encore et encore. Mes joues sont rougies et la peau me brûle quand je sors enfin.
L’odeur des crêpes enveloppe la maison. Ma super nounou est dans la cuisine et s’affaire à la préparation du goûter.- Merci ! Vous n’étiez pas obligé.
- Ça va mieux ?
J’ai tellement honte de moi que je détourne les yeux.
- Vous n’auriez jamais dû assister à cela.
Son regard sombre sur moi, une fois de plus, me contraint à me recroqueviller sur moi-même. Je me sens déjà comme une moins-que-rien, se sent il obligé d’en rajouter une couche ?
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